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L’égalité souci des seuls égalitaristes ?

Les égalitaristes n’ont pas le monopole d’une préoccupation pour l’égalité même lorsque cette dernière est entendue dans un sens substantiel qui dépasse l’égale dignité et l’égalité de traitement. Il y a d’une part des situations où l’on se soucie d’égalité pour des raisons qui ne sont pas forcément des raisons de justice et il existe d’autre part des raisons de justice de se préoccuper des inégalités qui ne sont pas nécessairement centrales pour l’égalitariste. Exemple du premier cas : les compétitions sportives.

Exemple du second cas : l’idée d’utilité marginale décroissante. Considérons deux personnes dont les préférences sont identiques mais dont la situation ne l’est pas. Si l’on dispose d’une banane à distribuer, elle produira plus de bien être additionnel si on l’offre à la personne qui en eu peu ou pas au cours des derniers jours, que si on l’octroie à celle qui a déjà eu accès à plusieurs bananes par jour durant la semaine écoulée.

Envisageons une observatrice impartiale utilitariste chargée de décider à qui octroyer une banane. L’utilitariste se caractérise par son bien être mais aussi par son caractère agrégatif plutôt que distributif, il se préoccupe d’abord de maximiser la quantité totale de bien être d’une société donnée, plutôt que de veiller à ce que ce bien être soit distribué de manière plus ou moins utilitariste. Pourtant l’utilitariste impartiale donnera la banane additionnelle à celui qui en a eu le moins, ce faisant elle va mécaniquement réduire les inégalités. Elle va cependant le faire pour des raisons qui relèvent de sa vision de justice mais qui ne sont certainement pas distributives comme le seraient celles d’un égalitariste.

Dans certaines situations l’utilité marginale ne sera pas décroissante, ce qui rend l’égalisation plus contingente que si elle était promue pour des raisons égalitaristes. C’est le cas si les préférences des deux individus ne sont pas les mêmes. C’est le cas aussi à chaque fois que des effets de seuil sont à l’oeuvre, auquel cas une utilitariste donnera plutôt à celui qui a plus tant que le seuil n’est pas dépassé. D’autres encore se soucient des inégalités pour des motifs de justice qui ne sont ni égalitaires ni utilitaristes. Ils le font par exemple en raison d’une préoccupation pour l’intégrité physique de la personne et la propriété de ses biens. On se préoccuperait alors du sort du plus défavorisé non parce qu’il est moins chanceux, ni parce qu’il serait le meilleur transformateur de bien en bien être additionnel mais pour atténuer le risque de comportement violent dans son chef.

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