Pourquoi traiter différemment jugements de valeur et allégations de fait ?
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La cour ne nous dit pas que les jugements de fait sont plus importants que les jugements de valeur dans une société démocratique, elle ne sous entend pas non plus que des jugements de fait erronés sont plus nuisibles que des jugements de valeur injustifiés. Par contre, elle dit qu’au niveau de l’administration de la preuve, il y a une différence significative. Raisonnement : ‐ Impossibilité d’apporter la preuve matérielle d’une affirmation de valeur et en conséquence son exactitude. Or en réalité il est possible de justifier un jugement de valeur, même s’il n’est pas possible d’en établir la vérité. ‐ En matière de liberté d’expression, la charge de la preuve contraire en cas de violation alléguée incombe à celui qui s’est exprimé.
‐ Exiger de sa part une preuve qu’il est impossible d’apporter équivaudrait à la priver en fait de sa liberté d’expression.
Affaire Nilsen & Johnsen c. Norvège : comme l’avait exprimé à juste titre le tribunal municipal norvégien ayant examiné l’affaire en première instance puis après lui la cour suprême de Norvège, une affirmation relative à la nature de l’intention d’une personne est clairement une allégation relative à un fait sauf bien sur à affirmer que les intentions sont de pures illusions. Les procès d’intention sont faciles à faire mais force est de constater que par exemple en droit pénal, il est crucial de pouvoir tenter de démontrer l’existence ou non d’une intention.
Pourquoi la CEDH qualifie t‐elle de jugements de valeur ce qui est assez clairement un ensemble de jugements de fait ?
Ce jugement porte sur des faits qui sont difficiles à démontrer. Or pour ces faits, le même raisonnement devrait pouvoir s’appliquer que celui dont font l’objet les jugements de valeur dont la preuve est impossible à démontrer pour la cour. La distinction entre faits et valeurs ne correspond qu’imparfaitement à la démarcation entre affirmation démontrable et difficilement démontrable. Pour éviter de soumettre à un régime strict une affirmation difficilement démontrable en raison de sa nature, la cour a préféré qualifier de jugement de valeur ce qui en réalité est un jugement de fait.
Il semble que pour la cour la qualification de jugements de valeur réponde plus à la volonté de garantir une meilleure protection de la liberté d’expression qu’à une qualification exacte de la nature des jugements.