Autour de la notion d’identité
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La notion d’identité est un concept vague, avec de multiples définitions. Pour ce chapitre, on parlera d’identité pour parler de ce qui fait qu’une société existe :
- L'identité s'incarne dans le sentiment partagé d'avoir des choses en commun.
- Ce sentiment collectif permet à chaque individu qui le fait sien de se situer, de se définir, au sein de l'oekoumène (cf. supra).
- L'identité produit donc lien social
L’identité apparait donc comme une composante importante des sociétés. En tant que sentiment partagé d'avoir quelque chose en commun, elle contribue à la reproduction sociale.
Les constructions sociales dont les participants ne partagent pas ce sentiment (p. ex. un réseau économique, une structure purement administrative, …) peuvent disparaître … même si elles forment par ailleurs chacune un système, avec sa propre logique de reproduction et de transformation.
En l’absence d'identité partagée, aucune volonté ne considère avec force que la société doit perdurer à tout prix. L’identité permet donc à une société de croitre et d’exister.
L'identité permet aux individus de se situer dans le temps, de se placer dans une communauté de destin.
Par exemple, parler de la Chine pour désigner en même temps des groupes néolithiques (dynastie légendaire des Hia), un empire agraire (époque Tang) et une société socialiste (époque de Mao) est un coup de force intellectuel. Pourtant il existe une filiation entre ces sociétés. Cette filiation est revendiquée et reproduite chaque jour par la transmission intergénérationnelle :
- Des langues
- Des réalisations culturelles
- Des multiples manières de vivre ensemble … que certains appellent civilisation.
En conclusion : aujourd'hui être Chinois ou Français, Inuit, …, mais aussi confucianiste, musulman, hindouiste,… a un encore un sens, même à l’heure de la mondialisation.
Toutefois, la mondialisation a développé l’idée de multiplicité et d’hybridation de l'identité. Chaque individu se reconnaît dans plusieurs identités : de genre, d'âge, de classe sociale, de langue, de religion, nationale, ….
Les identités individuelles et collectives deviennent donc de plus en plus hybrides. Un cas singulier : Le rap des steppes (le groupe mongol Lumino)
Le groupe présente cette hybridation de l’identité, la pochette de l'album Lamba guian Nulim en est un parfait exemple puisqu’elle reprend à la fois :
Des aspects du hip hop américain (tag du nom du groupe, logo « parental advisory: Explicit lyrics», attitude/apparence de bad boys).
Des éléments tirés de la culture mongole (costumes de guerriers de l’époque de Genghis Khan qui est vu comme le symbole de l’unité de la Nation mongole depuis la fin du communisme). Ce phénomène n’est pas marginal, on rencontre d'autres groupes de rap populaires en Mongolie (Har Sarnai, Tatar,etc). Tous ces groupes présentent des traits communs :
- Participation des rappeurs à la redécouverte de l’histoire mongole.
- Hommage à Genghis Khan via les chorégraphie, les costumes et coiffures des guerriers mongols, la dénomination (titres et groupes), les airs et textes musicaux (écrit en alphabet traditionnel et plus en cyrillique qui était l’écriture officielle sous le régime communiste).
Ce phénomène marque une articulation entre le local et le global par le biais de différents réseaux :
· À l’échelle nationale via la diffusion depuis Oulan Bator vers les villes secondaires et le monde rural
· Du global vers le local par les médias (Internet, MTV,… qui diffusent le hip-hop depuis ses lieux d'émergence (aux Etats-Unis) vers les périphéries)
· Du local vers le global par le réseau du monde musical asiatique (concerts de groupes mongols en Chine, au Japon, en Corée du Sud) et par la diaspora mongole qui diffusent ce style musical vers l'extérieur.
Le Hip-hop devient ainsi une métaphore de la Mongolie actuelle :
- Hybridation culturelle : ancrage local tout en conservant des liens avec les formes originales.
- Vecteur du renouveau nationaliste après le communisme.
- Vecteur de revendications de la jeunesse (pauvreté, alcoolisme, chômages, corruption, …)
Ainsi, dans un contexte de transition économique tumultueuse (paupérisation, croissance urbaine, crise du nomadisme, …), le hip-hop permet dans un même mouvement :
- Une ouverture assumée sur le monde occidental
- Une réaffirmation de l'identité locale, par référence à Genghis Kan, symbole de la force, de l'unité et de l'ordre.
On a donc affaire à un phénomène de glocalisation du hip-hop : un ancrage américain auquel vient s’ajouter des formes d’autonomisations locales.