L’analogie géologique
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Les répartitions spatiales présentant une histoire, on peut lire ceux-ci comme un palimpseste. À l’origine, un palimpseste est un manuscrit écrit sur un parchemin préalablement utilisé, dont on a
fait disparaître les inscriptions pour y écrire de nouveau. Par la suite, ce terme est utilisé pour désigner un objet qui se construit par destruction et reconstruction successives, tout en gardant l'historique des traces anciennes.
Le territoire peut donc être vu comme un palimpseste. Il est le résultat de multiples processus de production / reproduction / transformation de répartitions spatiales. Il garde donc dans sa physionomie des traces d'un passé plus ou moins lointain.
On peut également voir le territoire comme une coupe géologique. A un moment donné, le territoire est le résultat de l'accumulation / transformation de différentes strates, plus ou moins anciennes :
Couche de la période romaine
+ Couche du Haut Moyen Age
+ Couche du Bas Moyen Age
+ …
= Territoire belge
L'exemple de la morphologie urbaine à Bruxelles :
- Une morphologie qui porte en elle, les traces, parfois profondes, des aménagements réalisés au cours du temps (fortifications médiévales donnant le tracé de la petite ceinture, grands axes et places royales des issus des aménagements à la française sous Charles de Lorraine,…).
- Des aménagements qui se manifestent encore dans le tissu urbain actuel, soit parce qu'ils existent encore, soit parce qu'ils ont influencé les aménagements ultérieurs, à l'image de la deuxième enceinte à Bruxelles, sur les restes de laquelle a été ouverte d'abord un boulevard, au XIXe siècle, puis une autoroute urbaine, à la fin des années 1950.
L'exemple des structures sociales de l'espace bruxellois :
La géographie de Bruxelles porte en elle, les traces, parfois profondes, des structurations anciennes de la ville.
Globalement, la partie sud-est est beaucoup plus riche que la partie nord-ouest
Cette distinction trouve son explication dans l’évolution de la ville au cours du temps. Coupe de la vallée de la Senne :
À l’est, les sols présentent une couche perméable juste au-dessus d’une couche imperméable, ce qui permet l’apparition de sources d’eau et de nappes phréatiques. C’est donc tout naturellement que le pouvoir va s’implanter dans cette zone (cf. palais du Coudenberg).
De plus, les versants de la partie est sont raides et plus élevés, ce qui en fait une position symbolique de suprématie. À l’inverse, les versants ouest sont moins élevés et moins raides, ce qui favorises les inondations et rend la zone insalubre.
Enfin, la partie est présente de nombreux parcs et lieux de divertissement (hippodrome, bois de la Cambre,…), ce qui attire fortement les plus riches.
L’opposition entre est-riche et ouest-pauvre date donc du Moyen Age, époque où les nobles s’installaient plus facilement à proximité du Parc Royal et du Sablon.
On observe donc un phénomène de reproduction d’un phénomène ancien. À partir de 1903, on observe une phase de transformation, les nobles restent à l’est de la Senne mais vont sortir du centre historique de la ville pour se diriger vers le nouveau quartier Léopold.
Actuellement, on observe un phénomène de gentrification (phénomène d'embourgeoisement urbain).
De plus en plus de jeunes actifs réinvestissent les quartiers centraux de Bruxelles.
Bien qu’il s’agisse de quartiers « pauvres », ceux-ci se situent toutefois sur le versant est (St-Gilles, Ixelles, les Marolles,…).
En conclusion, lire le territoire comme un palimpseste est une démarche rétrospective, généalogique qui consiste à :
- Repérer dans le territoire actuel les différentes strates qui s'y sont "déposées" (datation)
- Identifier les facteurs de la genèse de ces strates
- Comprendre comment et pourquoi ces strates se sont reproduites ou transformées
Par exemple, pour comprendre la répartition actuelle des votes socialistes en Belgique, il ne faut pas se baser sur le pourcentage d’ouvrier. En effet, il y a de nombreux ouvriers en Flandre alors que cette dernière ne compta pas beaucoup de votants socialistes.
Il faut aller chercher une explication plus ancienne, par exemple en étudiant la répartition des maisons du peuple au siècle passé. Ces dernières ont en effet inculqué le vote socialiste à la population, et cette tradition à perdurée jusqu’à nos jours comme une trace du passé.