Le progrès en question : Race et histoire
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A la demande de l'UNESCO, Levi-Strauss écrit en 1952 un récit pour en finir avec l'idée de l'inégalité des races et des cultures (comme l'avait déjà fait Boas et d'autres) – Race et Histoire.
Il argumente en faveur de l'idée que le développement des sociétés et des civilisations est lié à des circonstances géographiques, historiques et sociologiques et non à des priorités biologiques.
En outre, la diversité n'existe pas seulement entre les sociétés mais au sein de chacune d'elles.
Pour démontrer qu'on ne peut hiérarchiser les sociétés, il développe plusieurs arguments :
• « En refusant l’humanité à ceux qui apparaissent comme les plus ‘sauvages’ ou ‘barbares’ de ses représentants, on ne fait que leur emprunter une de leurs attitudes typiques.
Le barbare, c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie ». La production d’altérités dévalorisées au travers desquelles il est possible de se définir soi-même de façon positive est présent dans toutes les sociétés.
• Il faut éviter de « prendre la partie pour le tout », c’est-à-dire éviter de conclure, à partir de ressemblances technologiques, à des ressemblances ou des similarités de configurations sociales dans leur ensemble.
Les sauts et les innovations n’ont pas lieu en même temps et de la même manière partout.
On ne peut pas traiter certaines sociétés comme des étapes vers d’autres, car cela revient à nier leur histoire, à considérer qu’il ne s’y est rien passé pendant que d’autres sociétés évoluaient.
Il existe tout un éventail de sociétés possibles au sein même de ces sociétés et le développement technologique ne s'opère pas toujours et partout de la même façon.
On ne peut pas classer les sociétés dans une logique unilinéaire, comme si toutes étaient promises au même type d’évolution et pouvaient dès lors être hiérarchisées le long d’un axe unique.
• Le progrès de l'humanité est indéniable mais ce terme est à prendre avec prudence. Il faut aussi faire très attention à l'ethnocentrisme, qui nous fait voir les réalités culturelles du dehors à travers notre système de référence.
Il n’y a pas de lieu neutre à partir duquel on pourrait juger du progrès et de mérites respectifs des sociétés, on évalue toujours avec des lunettes culturelles spécifiques.
On ne peut non plus prendre l'aspiration de beaucoup de cultures à devenir comme l'Occident pour signe objectif de la supériorité occidentale, puisqu'il faut se souvenir de tout le rapport de force historique.
• La cumulativité : Aucune culture n’est seule ; elle est toujours donnée en coalition avec d’autres cultures, et c’est cela qui lui permet d’édifier des séries cumulatives.
Les formes d’histoire les plus cumulatives se mettent en place aux carrefours culturels.
C’est par la combinaison des sociétés, réalisée par les moyens divers que constituent les échanges marchands, les migrations, les guerres de conquête et les dominations politiques, et qui tous facilitent les échanges culturels et la fécondation réciproque des sociétés, que sont nées les civilisations les plus cumulatives.
Inversement, les sociétés plus stationnaires semblent avoir été plus isolées, ou bien avoir rencontré des sociétés trop similaires ou trop différentes.
Lévi-Strauss a donc dans ce livre répondu scientifiquement au racisme mais aussi à l'ethnocentrisme. En effet, les sociétés humaines ont tendance à se voir comme les « vrais hommes » tout en dépréciant les sociétés voisines pour se donner une image plus positive.