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Un cas exemplaire : Nike

La société fut fondée en 1968, à Beaverton (Oregon), par un entraîneur d’athlétisme (Bill Browerman) et un étudiant en comptabilité (Phil Knight). À l’origine, il s’agissait d’une PME

spécialisée dans l’importation et la vente de chaussures de sport.

Très vite, la société se développa, la chaussure de sport étant devenu un créneau porteur. En effet, une nouvelle demande apparut en parallèle avec des mutations sociales et culturelles des États du Centre :

- La conquête du temps libre (réduction de la durée quotidienne de travail, généralisation des week-ends, apparition des congés payés,…)

- Mai 68 et l’hédonisme (diffusion sociales des pratiques sportives, attention croissante portée au corps et à l’équilibre individuel,…)

Renouvellement de l’intérêt pour la nature

À partir de 1971, la société entreprend une consolidation et une diversification horizontale :

Un nom (référence à la déesse grecque Athéna Niké : capable de se déplacer à grande vitesse et symbole de la victoire) et un logo (Le « swoosh », une virgule posée à l’envers … qui évoque l’aile de la déesse Niké comme on peut la voir sur la Victoire de Samothrace).

Élaboration d’une première ligne de produit en 1971 (plus uniquement de l’importation de chaussures). Cette ligne de produit nécessita la création d’une usine de production.

Apparition de nombreuses innovations techniques (basket « Waffle » avec une semelle capable d’amortir les chocs et de rebondir en 1973, Chaussures de courses et baskets « Air » avec des poches remplies de gaz dans la semelle en 1978).

Diversification de la gamme des produits (des chaussures et équipements pour tous les sports, lignes de vêtements,…).

Le lien produit – athlètes (des stars du sport sous contrat de fourniture : I. Nastase (1971), J.

McEnroe (1978), M. Jordan (1984), l’équipe brésilienne de football (1995), T. Woods (1996),…).

Des campagnes publicitaires qui marquent les esprits :

Niketown : le concept révolutionnaire du grand magasin de marques (repris notamment par

Apple depuis). Le magasin agit comme lieu d’idéalisation du produit (ambiance associée à la marque, mise en scène des objets, attractions variées,…).

Aujourd’hui, Nike est une firme mondiale dynamique. Son chiffre d’affaire est de l’ordre de 9 milliards USD et est en croissance régulière (augmentation de 50% entre 2001 et 2005).

La firme a un taux de rentabilité énorme, de l’ordre de 25%. Cette croissance n’est pas prête de s’arrêter, Nike accroit chaque jour son emprise sur le secteur du vêtement de sport (rachat de la firme Converse en 2003,…).

Malgré cette croissance importante, la firme est toutefois assez modeste à première vue. Elle ne compte que 3.400 salariés en 1986 et 18.000 en 2004.

La structure interne est légère, souple et hiérarchisée :

– Polarisation sur 3 sites étasuniens fonctionnellement spécialisés

· Beaverton : direction générale, gestion, design, recherche et direction Amérique latine

· Saint-Louis : laboratoires, assurance-qualité

· Memphis : commercialisation

- Internationalisation via des centres de gestion et de coordination (au Canada, aux Pays-Bas et à Hong Kong) ainsi que des centres de distribution spécifique dans les grandes villes des plus gros marchés nationaux (Bangkok, Bruxelles, Buenos Aires, Johannesburg, Kuala Lumpur, Melbourne, …).

Cette structure interne simple et hiérarchisée ne doit pas faire illusion. La firme utilise en effet d’un vaste réseau mondial de firmes sous-traitantes prenant en charge les productions matérielles :

- 350 sous-traitants principaux répartis dans 55 États.

- 653.000 salariés en 2004, soit 36x le nombre de personnes directement salariées par Nike.

Ces salariés sont une main d’oeuvre jeune, majoritairement féminine (80%), peu qualifiée et rémunérée le plus faiblement possible.

- Ces travailleurs salariés sont concentrés dans 3 grands bassins productifs :

· Amérique latine : 35.000 salariés dans usines maquilas (usines avec exonération des droits de douane).

· Bassin méditerranéen et Europe de l’est : 31.000 emplois.

· Asie orientale : 466.000 salariés dont 30% des effectifs mondiaux en Chine et 19% en Indonésie.

Ce déploiement de la marque montre que l’industrie manufacturière n’a pas disparu, pas plus que la classe ouvrière : l’une et l’autre se localisent loin de nous aujourd’hui.

Ce déploiement spatial s’appuie sur la mise en concurrence de plus en plus exacerbée des salariés des différents États … En particulier dans les activités productives les moins qualifiées ou à faible valeur ajoutée. Cette mise en concurrence s’appuie sur les variations des coûts salariaux horaires et les variations des coûts de protection sociale (cotisations sociales et charges fiscales liées aux salaires).

On retrouve en effet des écarts énormes dans les salaires pour une fonction et qualifications égales :

- Un Japonais touche 22,75 $ /heure

- Un Bengalis 0,25 $ /heure

→Un salarié japonais coute dont l’équivalent de 91 emplois au Bengladesh.

Ces mêmes écarts se retrouvent en matière de protection sociale :

- La Suède consacre 35% de son PNB aux dépenses de sécurité sociale.

- La Chine … moins de 4%.

Ces choix économiques permettent de produire une paire de chaussure pour environ 5 $ … avec des salaires journaliers de 1 à 2 $ et de dégager une marge très élevée par rapport au prix de vente …. et d’engager des sommes colossales pour la communication … au profit des stars du sport (M. Jordan : 20 millions de $/an)

Nike est donc la première véritable firme-réseau sans usines. Ce modèle fut rendu possible grâce à 2 mutations majeures :

- La révolution des communications (télécommunications et informations, transports maritimes et frets par porte-conteneurs) qui diminue fortement les coûts et augmente grandement la rapidité et l’efficience. Les coûts de transport ne représentent en effet plus que de 1 à 3% du prix de revient des produits Nike.

- L’hyper libéralisation du commerce mondial. L’ouverture des marchés et la diminution des droits de douane entre Etats (GATT et OMC)

Ces deux mutations ont créées une interconnexion concurrentielle des territoires et des relations sociales et salariales à l’échelle mondiale.

Ce modèle fut adopté dans les années 80 et 90 par la plupart des firmes transnationales (FTN) du textile et de l’habillement (Reebook, Levi Strauss, Benetton, …). Dans les années 90, ce fut les centrales d’achat des FTN de la distribution de masse (Quelle, Carrefour, Wal Mart, …) qui adoptèrent ce modèle.

Celui-ci est néanmoins relativement fragile puisqu’il dépend :

De l’instabilité des consommateurs.

Des variations dans la qualité des produits.

Du développement des sous-marques (entreprises de la grande distribution) et de la contrefaçon.

Des réactions salutaires d’ONG et de syndicats … pour condamner les abus et les violences exercées à l’égard des salariés des firmes sous-traitantes.

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