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Cohérentisme

Ce qui fait qu’une proposition normative est justifiée n’aurait pas trait au fait qu’elle puisse être déduite de principes généraux constitutifs d’un sou ensemble fondationnel. Un cohérentisme radical dira que la cohérence d’un système de valeurs/normes est une condition nécessaire et suffisante de justification d’un énoncé normatif. Un cohérentisme modéré acceptera éventuellement que des conditions supplémentaires puissent devoir être satisfaites. Mais un cohérentiste, même modéré, considèrera qu’une fondationnaliste devrait en toute logique se préoccuper elle aussi de cohérence interne.

Cela renvoie au respect du principe de non contradiction et éventuellement au respect d’une certaine complexité argumentative. Si le fondationnalisme met d’abord l’accent sur la hiérarchie des normes, le cohérentisme veillerait avant tout à mobiliser le postulat de rationalité du législateur, on interprète le système juridique en postulant même si ça n’est pas vrai que le législateur est rationnel et donc préoccupé par la cohérence. Le travail de recherche de cohérence doit se concevoir comme un travail vertical : la compatibilité des règles de différents niveau de généralité, que comme un travail horizontal : la compatibilité entre différents principes ou jugements situés à un même degré de généralité. Le Concept d’équilibre réfléchi de John Rawls est un concept paradigmatique du

cohérentisme. L’idée consiste à partir de nos institutions morales quelque soit la question, qu’elles soient générales ou spécifiques. Il faut ensuite mettre ces institutions à l’épreuve en les comparant aux institutions que nous avons sur des questions proches. On rapproche donc un jugement particulier, d’un concept général, qu’on réapplique ensuite à une questions spécifique.

Soit notre jugement sur la question spécifique s’avère compatible avec le contenu du principe général. Soit il nécessite une modification du contenu du principe général ou nous conduit à modifier notre jugement sur la question spécifique.

On recourt donc à des analogies, à des comparaisons entre des cas entre lesquels les liens ne sont pas spécialement évidents à première vue.

Exemple : J’ai l’impression que le port du voile à l’école ne devrait pas être interdit. Je me demande alors à quel principe général cela doit être rapporté. Supposons qu’il s’agisse du principe de la liberté d’expression. Puis je me demande si l’argument du prosélytisme ne conduit pas à penser que le port du voile menacerait la liberté réelle d’expression de celles qui ne souhaiteraient pas porter le voile. Je vérifié à quelles conditions cet argument pourrait faire sens. Puis j’essaie d’affiner le principe général en définissant des conditions générales auxquelles la liberté d’expression pourrait être réduite. Après réflexion approfondie on aboutit à un équilibre réfléchi.

C’est un équilibre car in fine nos principes et nos jugements coïncident et il est réfléchi puisque nous savons à quels principes nos jugements se conforment et nous connaissons les prémisses de leur dérivation. On ne peut donc dire qu’un système de valeurs est cohérent que si l’on sait sur quels principes généraux nos jugements particuliers se rencontrent.

Caractéristiques de la méthode de l’équilibre réfléchi :

‐ Absence initiale de points fixes : même si l’on aboutira généralement in fine à une hiérarchie au sein d’un système cohérent, rien n’est fixe au moment de la mise en branle de la méthode sur une question, quel que soit le niveau de généralité et peu importe que ce soit du factuel ou du normatif. On ne commence donc pas du général vers le particulier. Le point de départ va plutôt dépendre du niveau de généralité de la question ou du niveau de généralité auquel nos intuitions morales sont les plus fermes. Les jugements de valeurs ne doivent pas forcément contraindre les jugements factuels.

‐ Double fonction de la méthode : la méthode permet d’abord d’éclaircir ce que nous pensons. Mais elle va aussi nous permettre de mettre à l’épreuve des intuitions plus ou moins fermes qui seraient les nôtres. Elle joue donc à la fois une fonction clarificatrice et une fonction critique. Car à l’issue du processus, il sera important de savoir ce que nous pensons sur tel problème ainsi que pourquoi nous le pensions et si nous avons raison de le penser. ‐ Nature opérationnelle : la méthode de l’équilibre réfléchi est particulièrement

opérationnelle puisqu’elle peut prendre pour point de départ le niveau de généralité de la question posée. Elle n’est pas contrainte de s’assurer que les principes généraux invoqués sont effectivement fondationnel au sens des fondationnaliste, ce qui est un travail énorme, pour autant qu’il puisse jamais être mené à bien.

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