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Trois objections aux transferts fiscaux

1) Les emplois sont plus qu’une source de revenus. Veiller à une distribution non discriminatoire des emplois c’est donc faire plus que redistribuer de l’argent, il s’agit de montrer ce que les emplois apportent de plus que le revenu, par exemple l’estime de soi, l’intégration sociale, même si cela ne vaut évidemment pas dans tous les cas.

2) La discrimination peut être source d’inefficience car elle entraine un sous investissement en capital humain d’une proportion significative de la population. Il pourrait donc être inefficient de recourir à des transferts fiscaux plutôt que de lutter contre les discriminations. Dans bien des cas, les gens baissent les bras car ils savent que quels que soient leurs efforts, le simple fait d’être membres d’une groupe donné fera en sorte qu’ils se retrouveront de toute façon devant une porte fermée, c’est une source d’injustice mais aussi d’inefficience. Cette idée de discrimination inefficiente est particulièrement pertinente lorsque la productivité future des personnes dépend d’abord de leur travail et de leur image de soi.

Elle fonctionnera moins lorsque le caractère plus cher/moins productif de l’agent s’explique non pas comme résultat, mais par des causes objectives.

3) Dans certains cas, les transferts fiscaux se heurtent à des difficultés de faisabilité à 2 niveaux. Il devient de plus en plus difficile d’effectuer des prélèvements fiscaux et d’autre part c’est le caractère redistributif des transferts fiscaux qui est menacé en raison par exemple de réticences idéologiques croissantes.

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De la double distortion et autres arguments

(connaître de façon générale la double

distortion mais étudier les 2 arguments).

On pourrait penser que la compensation en espèces ne devrait être considérée que comme un second choix, et qu’il faudrait privilégier le recours au droit du travail et aux lois anti discriminatoires. Mais plusieurs éléments remettent cela en question, au point d’y substituer une présomption en faveur du recours à la taxation redistributive, donc au droit fiscal. 4 arguments :

A. L’idée de la double distortion Elle conduit à la thèse selon laquelle plutôt que de recourir à une branche du droit pour faire plusieurs choses, dont la redistribution, il serait préférable de faire réaliser le travail redistributif exclusivement par la taxation redistributive. Exemple en matière de droit de la responsabilité en matière de roulage. Le régime de responsabilité aurait pour objectif de faire adopter aux automobilistes un niveau de prudence socialement optimal. Envisageons un régime de responsabilité sans faute et imaginons qu’il est socialement efficient que chacun adopte un même niveau de prudence.

Considérons un législateur qui déciderait d’adopter un niveau de prime proportionnel au niveau du revenu de l’auteur du dommage. Il se pourrait qu’un tel ajustement inciterait une personne plus riche à faire moins attention. Si l’on estime qu’un niveau de prudence identique, quel que soit le revenu, est souhaitable il se peut que l’on soit en mesure de justifier un ajustement du niveau des indemnités au niveau de revenu, pour de strictes raisons de sécurité routière. Mais que se passe t‐il si cet ajustement vise en plus un objectif de redistribution indépendant ? L’ajustement irait au delà de ce qui est nécessaire pour garantir que chacun aie un même niveau de prudence.

Pour les économistes il serait préférable de poursuivre cet objectif redistributif via le droit fiscal, car chacune des 2 options va engendrer une distortion de la volonté de travailler des agents économiques, puisque je sais que si je gagne plus, soit je paierai plus de taxes, soit je paierai plus d’indemnités en cas d’accident auto. Mais cela va engendrer une seconde distortion au niveau de la prudence des automobilistes, les plus pauvres seront trop prudents et les plus riches ne le seront pas assez. Ce problème ne se pose pas si on a recourt à la taxation pour garantir la redistribution. C’est pour ça qu’il est moins efficient de faire du droit de la responsabilité redistributif que du droit fiscal redistributif. La question peut être appliquée au droit du travail redistributif. On pourrait envisager que la fonction d’un droit du travail non redistributif consiste à mettre en place les règles favorisant un niveau de production optimal. Une législation anti discrimination peut dans certains cas contribuer à un tel objectif mais cela est rare.

L’efficience importe du point de vue du leximin. En général ceux qui sont vraiment les plus défavorisés sont souvent des personnes qui se retrouveront irrémédiablement hors du marché du travail, elles bénéficieront donc rarement d’une législation anti discriminatoire focalisée sur le marché de l’emploi. Deux arguments en faveur de la présomption du droit fiscal : Premièrement, recourir à une législation discriminatoire pose un problème de justice entre employeurs. Il est indéniable par exemple qu’engager plus d’handicapés moteurs à des coûts nets au sein de l’organisation. Si l’on recourt au droit du travail, en l’absence d’une politique de quotas répartissant de tels travailleurs, de tels coûts auront tendance à se répartir de façon aléatoire et donc de peser plus sur le budget de certains que sur d’autres. Or, selon le principe égalitariste de rejet de l’arbitraire, la prise en charge des désavantages liés aux circonstances des personnes est supposé s’effectuer par l’ensemble de la société.

Deuxièmement, mener des politiques redistributive de manière décentralisée fait courir le risque de problèmes de coordination. Si l’on souhaite évaluer si une personne pour l’ensemble de son panier d’opportunités est plus avantagée qu’une autre il importe de disposer d’une vision complète de la situation, ce dont ne dispose pas l’administration fiscale.

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Une présomption (réfragable) en faveur de l’outil fiscal

Une directive anti discrimination vise à réduire le plus possible les désavantages résultant pour les membres de certains groupes de facteurs naturels et/ou sociaux. Il existe deux voies pour réduire et/ou compenser de tels avantages, l’une consiste à financer par l’outil fiscal une compensation en espèces des groupes de personnes qui s’avèreraient être défavorisés par la nature ou les pratiques sociales. L’autre consiste à lutter contre de tels désavantages en le faisant en nature, mettant en place des politiques à destination des employeurs, contraignant leurs pratiques, plutôt que de ponctionner leur budget de manière directe.  on peut donc compenser un désavantage en espèce ou réduire ce désavantage en augmentant l’accès effectif à l’emploi des intéressés et donc leurs revenus.

Cet arbitrage entre compensation en espèces en cas de moindre accès et lutte pour l’accès effectif pose la question du choix de la branche du droit la plus appropriée.

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Introduction

Nos systèmes juridiques contiennent un ensemble de dispositions importantes en matière de discrimination à l’embauche. L’état du droit interne en la matière est dans bien des cas le fruit de la mise en oeuvre de directives européennes. Il eut tout d’abord des directives en matière de genre puis en matière de race et d’origine ethnique, religion et convictions, handicap, âge ou orientation sexuelle. L’emploi et le travail ne sont pas les seuls domaines pour lesquels le législateur communautaire est intervenu en matière de lutte contre la discrimination.

Qu’a à nous dire une théorie moderne de la justice, l’égalitarisme, sur la façon dont le législateur devrait concevoir une loi antidiscrimination et sur la manière dont le juge devrait l’interpréter ?

Le postulat central est sans équivoque, il est moralement inadmissible de considérer certains d’entre nous comme des êtres humains de seconde zone. Toute la difficulté reste alors de déterminer ce que cela implique en termes d’obligations pour chacun, en particulier en tant qu’employeurs sur le marché du travail.

Sur le plan conceptuel il importe de garder à l’esprit la distinction juridique entre un traitement différencié et une discrimination. Le premier ne devient une discrimination que si il est considéré comme illégal. Dans le langage courant le verbe discriminer est souvent utilisé de façon strictement descriptive sans connotation péjorative.

Nous nous concentrerons ici sur la question de savoir quelles différences de traitement devraient être considérées comme illégales parce qu’injustes.

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Conclusion !!!

Le président Sarkozy a raison de s’inquiéter du nivellement par le bas, du moins s’il l’entend au sens strict. Et il a également raison de se soucier de liberté. Il a tort par contre de penser que les égalitaristes seraient naïfs au point d’ignorer chacun de ces deux points. En outre la place que Sarkozy serait prêt à donner à la liberté et à l’efficience sera probablement différente de ce que pas mal d’égalitaristes considèreraient juste. Nous avons indiqué combien la grammaire proposée par le langage des égalitaristes laisse le champ une diversité de visions. Comme pour le libertarisme, il est ainsi possible d’en proposer des versions de droite ou de gauche. Mais l’on peut avancer l’hypothèse que si Sarkozy lui‐même pouvait

être décrit comme un égalitariste, il en donnerait une version particulièrement à droite – sans jeu de mot.

Rappelons que ce qui détermine le positionnement des différentes versions de l’égalitarisme sur l’axe gauche‐droite, c’est le degré auquel un égalitariste laissera place aux incitants (égalitarisme du leximin ou classique), le degré auquel il analysera les désavantages comme le résultat de choix ou non, son positionnement quant à la question de savoir s’il convientd’y adjoindre un suffisantisme et si ce dernier doit mobiliser un seuil de suffisance élevé ou non, et enfin le degré auquel il convient de limiter le champ de l’égalisation en laissant une place importante à des libertés fondamentales.

Nous avons aussi montré que la notion d’efficience est loin d’être absente de l’égalitarisme, même si elle s’inscrit dans un cadre précis. Ce souci de l’efficience se marque a trois niveaux. D’abord, il est à l’oeuvre dans le rejet du nivellement par le bas. Mais il faut souligner que pour conjurer ce risque, l’égalitariste ne répond pas par un abandon total des préoccupations distributives.

Il n’accepte en effet d’écart par rapport à l’ég alité que pour autant que ces inégalités soient nécessaires à l’amélioration du sort du plus défavorisé. Ensuite, certains égalitaristes seront aussi tentés de rendre le leximin moins « extrême » en acceptant que l’on renonce à un bénéfice marginal pour le plus défavorisé s’il implique une perte de bienêtre considérable pour les plus favorisés. Enfin, la place accordée à la notion de responsabilité pour nos choix peut être comprise à travers le prisme de préoccupations d’efficience – et en particulier d’incitants à la prudence qui dans bien des cas est efficiente. Qu’en est‐il de la place de la liberté dans une théorie égalitariste. Ici aussi, elle se marque à trois niveaux, même s’ils diffèrent en partie des précédents. D’abord, les égalitaristes se préoccupent de distribution car ils pensent que la reconnaissance de libertés ne peut être que formelle si les personnes ne disposent pas des moyens matériels de les mettre en oeuvre. La liberté d’expression vaut peu de choses si vous n’avez pas les moyens d’atteindre ceux auxquels vous estimez important de parler. Ainsi, les égalitaristes peuvent être décrits comme ayant le souci des moyens de la liberté et d’une égalisation de ces moyens. Ensuite, l’idée de responsabilité pour nos choix peut être interprétée comme la traduction d’une préoccupation pour la liberté d’autrui. Enfin, un égalitariste acceptera aussi généralement une priorité des libertés fondamentales sur l’objectif d’égalisation. Ainsi, même si museler la population s’avérait un moyen efficace de mettre en place une plus grande égalité des revenus, un égalitariste dit « libéral » (au sens américain du terme) refuserait malgré tout la mise en place de tels moyens au nom de la liberté d’expression. Enfin, récapitulons ce que nous avons engrangé pour répondre à nos deux questions de départ. D’abord, pourquoi un égalitariste lutte‐t‐il contre les inégalités? Pour des raisons de justice plutôt que de suspense sportif par exemple. Et pour des raisons de justice qui, soit renvoient au fait que l’égalité comme telle est une bonne chose (égalitarisme classique), soit postulent que dans bien des cas – mais pas toujours – l’égalisation améliore le sort du plus défavorisé (égalitarisme leximinien). Ensuite, quelles inégalités un égalitariste vise‐t‐il à combattre ? Pas celles dont la réduction dégraderait le sort du plus défavorisé (égalitarisme du leximin), ni celles qui sont le fruit de nos choix (égalitarisme leximinien des circonstances), ni celles dont la réduction nécessiterait une atteinte à des libertés fondamentales (priorité des libertés fondamentales).

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Le suffisantisme en complément

Certains sont relativement mal à l’aise avec la distinction choix/circonstance. Ils trouvent la distinction tantôt trop floue (car la réalité est souvent mélangée), tantôt insuffisamment justifiée et trop dure (avec ceux dont le désavantage vient d’un choix), voire trop généreuse (avec ceux dont le désavantage résulterait d’une circonstance mais ne menacerait pas la capacité des intéressés à satisfaire leurs besoins de base). Il existe cependant une doctrine qualifiée de « suffisantisme » qui peut obtenir comme complément ou comme substitut à l’égalitarisme leximinien ou classique des circonstances. Il s’agit cette fois de substituer à la distinction « choix‐circonstances » celle qui sépare nos besoins de base de ce qui ne l’est pas (besoins non‐basiques ou simples préférences). Une telle théorie qui propose donc une distinction alternative tiendra en deux principes :

1. La société se doit de veiller à ce que chacun d’entre nous dispose à tout moment des moyens nécessaires à la couverture de ses besoins de base.

2. Au delà d’une telle couverture des besoins de base, et mis à part des préoccupations pour d’autres composantes telles que les libertés publiques, la société n’aurait pas d’obligations distributives en sus. On peut constater une série de choses sous‐tendant cette doctrine « minimex » (ou RMI). D’abord, une telle théorie peut être à la fois plus et moins « généreuse » qu’un égalitarisme des circonstances. Plus parce que quelles que soient les raisons pour lesquelles je suis incapable de pourvoir à mes besoins de base, la société va veiller – parfois via des mécanismes de bons dédiés – à ce que j’ai assez pour atteindre mon seuil de besoins. Moins car un suffisantisme simple ne compense pas les victimes de désavantage dont l’état physique et les moyens seraient suffisants pour couvrir leurs besoins de base, même s’il s’agit malgré tout de handicaps significatifs qui feraient dans nos systèmes juridiques l’objet d’une indemnité pour incapacité partielle de travail par exemple. Ceci peut donc être particulièrement dur si le seuil de suffisance est placé assez bas. Cette dureté du suffisantisme lui‐même peut alors être corrigée à son tour, d’au moins deux manières. Soit, il s’agit de concevoir un seuil de suffisance particulièrement élevé. Soit, il est possible, même avec un seuil bas, de combiner le suffisantisme avec un égalitarisme des circonstances66. Dans ce dernier cas, une personne se verra garantir une couverture de ses besoins de base.

Pour le surplus, on ne lui refusera pas nécessairement de compensation. Cette dernière sera néanmoins conditionnée à la possibilité de démontrer que le désavantage concerné résulte effectivement d’une circonstance. Le suffisantisme présente des propriétés multiples qu’il serait trop long de discuter ici. Il se peut par exemple qu’il ne doive pas être évalué « sur les vies complètes » (voir séance suivante) mais plutôt en continu. De plus, le positionnement sur l’échiquier gauche‐droite dépendra du niveau du seuil de suffisance défini par la société concernée ainsi que de la question se savoir s’il est ou non combiné avec un égalitarisme des circonstances pour le surplus. Enfin, une question particulièrement intéressante consiste à comprendre pourquoi la distinction « choix –circonstance » serait jugée pertinente au‐dessus du seuil de suffisance alors qu’elle ne le serait pas en dessous. Il existe au moins deux manières de rendre compte de cette discontinuité. Soit, l’on estimerait que laisser quelqu’un tomber en dessous d’un seuil de suffisance serait inhumain, quelles que soient les raisons pour lesquelles cette personne se trouve dans cette situation. L’indifférence du suffisantisme à la distinction « choix‐circonstance » résulterait alors d’une volonté de traiter les personnes « comme des chiens ». Soit, l’indifférence à cette distinction résulterait plutôt d’un postulat factuel : en dessous d’un seuil de suffisance, aucun choix d’un agent ne pourrait être considéré comme un choix véritable. Cette seconde approche présente un mérite. Pour ceux qui souhaitent combiner suffisantisme (en dessous du seuil) et égalitarisme (classique ou leximinien) des circonstances (au‐dessus du seuil), il est possible de considérer qu’en principe, la distinction « choix‐circonstance » reste pertinente à la fois sous et au‐dessus du seuil. Mais ce qui change, c’est qu’on estime qu’il n’y a pas de choix véritable possible si l’on est en dessous d’un tel seuil.

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